GALERIE DES FÊTES DE CHENONCEAU EN 1896

 

Photographie de Constant Peigné 1896

LA RESTAURATION

C'est de travaux de restauration et d'embellissement dont il s'agit. Rien de l'ancien château de Chenonceaux, tel qu'il fut construit de 1515 à 1521, par Catherine Briçonnet, femme de Thomas Boyer, argentier de François 1er et vice roi de Naples n'a été soit modifié soit détruit. Les gros travaux exécutés en ces dernières années ont eu pour but seulement la solidification et la reconstitution en son premier état de la coque du monument. C'est dans la grande galerie qui domine le Cher, à l'arrière du château, que Mme Pelouze fit installer sa galerie de tableaux et ses objets d'art. Une fois la galerie pleine et les oeuvres en place, elle songeât à la faire décorer.

Mais au lieu de lui donner l'aspect ordinaire et banal des salles de collection, elle eut l’idée d'y faire figurer les oeuvres au milieu d'une décoration qui leur servit à la fois d'apothéose et d'histoire. La décoration picturale de cette vaste galerie pavée en pierre et voûtée comme un bas-côté de chapelle, dite galerie des Fêtes Louis XIV, tout emplie de pièces superbes provenant d'acquisitions anciennes et de récentes commandes, fut confiée à un jeune artiste à peu près inconnu, M. Charles Toché (1851 1916).

Fils d'un très riche négociant de Nantes, il étudia l'architecture à Venise, y resta cinq années, copiant et recopiant les fresques de son maître préféré Giambattista Tiepolo et s'imprégnant de l'âme même du coloriste. Puis il s'en alla en Espagne étudier Goya. Enfin à Chenonceaux, Toché connut Flaubert, la lecture de Salammbô dans cette immense galerie du château produisit une impression profonde sur l'esprit de Toché et l'on retrouve dans son oeuvre l'inspiration de Flaubert en même temps que la couleur de Tiepolo et la hardiesse sauvage de Goya.

La décoration de la grande galerie de Chenonceaux comprenait un plafond d'une longueur de soixante mètres environ et d'une série de 16 panneaux pour 18 fenêtres. Toché entreprit l'exécution d'un majestueux ensemble décoratif encadrant les oeuvres assemblées dans la galerie et groupées très méthodiquement par école. Autour des tableaux des peintres et leur servant d'encadrement, il fit courir des allégories. C’est ainsi, par exemple, qu'autour d'un Giovanni Battista Salvi, dit Sassoferrato, représentant une Vierge, il fit défiler tout un cortège religieux et guerrier s'en allant, croix et bannière en tête, à la conquête des mondes nouveaux. La bannière fut portée par un évêque et servit d'encadrement même au tableau. Une femme nue, qui figurait l'Océanie, pliait, en signe de soumission, le genou devant l'emblème sacré. L'histoire des triomphes catholiques et guerriers de l'Espagne et du Portugal fut allégorisée. L’espace fut également décoré de chaires sculptées et de bancs à dossiers, genre seizième siècle. Des hallebardes rappelèrent l'époque des suisses. En un coin du plafond, l'Amour sacré, à l'autre la Louange et l'Amour profane, au centre le Triomphe de la Vérité. Puis quatre toiles monstrueuses : l'Asie, l'Afrique, l'Amérique, l'Océanie. L'Océanie, c'est un prélat monté sur un buffle et présentant la Vierge aux sauvages, l'Asie, c'est une danseuse sacrée sur un tigre, l'Afrique, c'est un chameau conduit par M. de Lesseps. Une Chaire Louis XV en bois, praticable, accède à ce dessus de fenêtre. La volute de son escalier se termine par un Dauphin. Décorée et laquée dans le genre vieux Rouen, elle donne l'illusion de la faïence.

LES FESTIVITÉS DE 1886

Le 24 juin 1886 eut lieu à Chenonceaux l'inauguration de cette grande galerie des Fêtes Louis XIV. De grandes réjouissances furent données à l'occasion de l'inauguration, trente mille invités, d'une fête de jour et d'une fête de nuit. Le président de la République en aurait accepté l'invitation qui lui fut faite. L'histoire de Chenonceaux aux diverses époques fut représentée par des groupes costumés. On évalue à trois ou quatre mille le nombre des personnages qui firent partie de ces groupes. Mme Pelouse fit représenter, dans la grande galerie des fêtes, le ballet qui y fut exécuté en présence de Catherine de Médicis. Ce divertissement fut donné avec le concours du corps de ballet de l'Opéra. La musique et la description des costumes furent précieusement conservées dans les archives de Chenonceaux, et le ballet représenté en 1886 resta fidèle à celui qui fut donné en présence de Catherine, il y a trois siècles.

 

 

 

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