SIMONNE MENIER PAR ROESSINGER-JEANNERET ET MODIGLIANI
Mlle Simonne Legrand mariée à Georges Menier en 1903. Tirage argentique de 1909,Timbre sec de l'atelier de Montreux et signatures d'Arnold Casimir Roessinger-Jeanneret photographe Suisse et de son modèle. De nombreux portraits d’Arnold Casimir attestent d’une collaboration entre le photographe et Simonne Menier. (source: Saga Menier)
Entre 1827 et 1880, l’évolution technique avance par bond successifs, au gré des découvertes de procédés plus rapides, plus facile à mettre en oeuvre, aux rendus plus fin. Le portrait devient accessible aux aristocrates, puis aux bourgeois, bientôt le peuple pourra y avoir accès. Le genre du portrait appartient à l’histoire de l’art, le portrait photographique devient donc une double menace pour la défense des beaux arts : il se banalise, se vulgarise (au sens de vulgus, le peuple) et perd donc la préciosité liée à ce genre autrefois réservé aux élites, et sa production s’industrialise, posant la question de l’auteur sous un tour inattendu. Les salons de pose tiennent à la fois de l’atelier de peinture dont ils tentent de conserver le prestige culturel, du salon bourgeois et du palais industriel. Tous les photographes en vogue sont au rendez-vous : Nadar, Disdéri, Carjat, Pierson, Trinquart, Numa Blanc, Franck, Pierre Petit, Flamant, Mayer. Le choix d’un photographe réputé est essentiel. Leurs salons d’attente sont des espaces très fréquentés où l’on peut jouer du piano, de délasser au billard, boire un thé et lire les journaux en attendant ses épreuves. Le livre d’or de la maison rassérène les clients peu sûrs de leurs goûts. Dans un salon « sont exposés les portraits des principaux personnages qui ont posé. C’est le véritable livre d’or de la célébrité. Tous les noms glorieux qui sont à l’honneur, de l’armée, de l’église, de la magistrature, du barreau, de la littérature, des arts, de la science, de la finance et même du commerce, se trouvent dans cette galerie où la noblesse de la naissance avoisine celle du talent.
(source: OpenEdition pour le texte. Iconographie: Saga Menier)
Simonne
Menier par Roessinger-Jeanneret
(source: Musée d'Orsay)
Simonne Menier rayonne dans divers milieux : la mode et ses nombreuses revues spécialisées, la sculpture à titre personnel, et surtout le monde de la santé. Elle fréquenta le dispensaire école Marie Hélène à Puteaux, fondée en 1907 par Mme Taine et le docteur Paul Barbarin, institut laïque ayant pour objet le traitement des enfants malades. Le médecin chef Paul Barbarin était également chirurgien, il forma donc Simonne au métier d’infirmière. Une dédicace à l’attention de son élève très particulier, dans son livre consacré à la puériculture (La culture de l’enfant) atteste d’un lien affectif. Il est vrai que Barbarin Fréquentait le cercle familiale de la famille Menier et plus précisément Gaston. Leur attachement mutuel au théâtre est à l’origine de ce rapprochement. Durant la croisière du steam yacht Ariane sur les côtes de Norvège en 1902, à laquelle était invité Barbarin, celui-ci mis en scène la pièce de théâtre ; Revue du cercle polaire, qu’il interpréta avec Gaston Menier, Fernand Crouan et Marie, sa fille. Georges, le mari de Simonne fréquentait également assidument le milieu théâtral, il apportait son concours à de nombreuses créations. De son coté Paul Barbarin était le Conseiller financier de "l'Œuvre Française populaire des trente ans de théâtre", cette proximité de gout ne pouvait que rapprocher le couple Menier et notre chirurgien éducateur. Sa formation en poche, Simonne Menier apporta sa compétence d’infirmière au château de Chenonceau offert à l'autorité militaire comme hôpital de secours aux blessés durant la première guerre mondiale. Son fils, M. Georges Menier en était également infirmier. Les interventions médicales et chirurgicales étaient assurées par les docteurs Victor Morel et Druon et assistées par un grand nombres d’infirmières issues de différents milieux (des Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, la comtesse de Razay). Simonne Menier, infirmière major, et ses condisciples furent récompensées à la fin des hostilités par la Médaille de vermeil des épidémies (journal officiel du 24 mai 1917).
La photo de droite, représentant Simonne, fait partie de l'acquisition par le musée d'Orsay d'un fond d'archives de la famille Menier que possédait Jean-Jacques Journet (à gauche),fils de Robert Journet et Germaine Legrand, sœur de Simonne. Jean-Jacques Journet passait beaucoup de temps avec sa tante et ses cousins Menier, leurs liens étant renforcés par la proximité de leurs demeures respectives à Paris et de leurs villas d'Houlgate où ils passaient l'été ensemble.
Durant la fin du XIX siècle de début de XX le genre portrait est assez répandu et prisé par la classe bourgeoise grande bénéficiaire de la révolution industrielle passée. Par le portrait, elle accède à la possibilité d'afficher sa notoriété, et d'ancrer sa nouvelle dynastie dans l'histoire au même titre que la noblesse. Si la révolution fut menée par la bourgeoisie contre la noblesse de cours, celle-ci ne répugna pas à en reprendre les codes et transmettre l'image de sa réussite en faisant appel aux artistes à notoriété montante mais également aux anciens. Georges et Simonne furent de cette génération, tous deux furent portraiturés par Modigliani. Georges était musicien et peintre avec quelques talents. Il exposa au salon d'automne, dont il était sociétaire, en 1921 et 1933, 6 toiles "nature morte"qui firent leur effet. Georges, grand collectionneur d’art Nègre possédait également un grand nombre de tableaux qu'il entassait dans ses nombreuses propriétés. Sa femme, Simonne, fut le modèle de nombreux peintres, elle passait probablement commandes mais sa présence rayonnante dans diverses activités mondaines lui permettait de lier amitié et d'obtenir de manière élégante les faveurs des Maîtres. Elle connut Paul César Helleu de cette manière, le peintre possédait un voilier et participait aux mêmes régates que la famille Menier. Elle s'essaya à la sculpture dans son château de Rentilly avec pour Maître, François Pompon, qui immortalisa son Boston Terrier, Toy. N'oublions pas que Pompon était un sculpteur animalier de renom. Malheureusement la dynastie canine des Menier fut de courte ampleur. Elle possédait également, en son nom, des tableaux de Maîtres (Renoir : La songeuse) et probablement bien d'autres dont il est impossible d'en établir la liste Exhaustive. Amédéo Modigliani La rencontre s’est faite par l’intermédiaire de son biographe et collectionneur d’Art nègre ; Paul Guillaume. Promoteur en Europe et aux Etats-Unis il possédait une collection célèbre de statues, de têtes et de masques du Gabon, de la Côte d'Ivoire, du Soudan, etc. Il organisait des expositions spécifiques ou il invitait d’autres collectionneurs, dont Georges Menier. Ce dernier préférait les masques cloutés du Bakota et les masques blancs lunaires. Il est fort probable que Paul Guillaume proposa des pièces de collection à notre fortuné manufacturier et une rencontre avec Modigliani; une manière de tisser des liens et d'avoir la chance de se faire ainsi portraiturer.. |
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"Femme au collier vert", "Homme à la canne"de Modigliani, 1918. | La Reine des Sioux, Jacqueline Marval, 1923. Collection de Georges Menier en 1928. |
LIANE DE POUGY
dans
ses "Mes cahiers bleus" ne tarit pas d'éloges à son endroit.
3 juillet
1924 (Carte de Mme Georges Menier).
"C’est
la plus jolie femme de Paris ! Robert de Rothschild est venu pour me rencontrer
le premier vendredi chez Nathalie. Il fut charmé par ce salon amusant
et disparate, ravi de me revoir et de me trouver si belle. Il organisa
un déjeuner chez les Lebel, grands industriels un peu associés avec les
Menier à Neuilly, un beau dimanche. Tout fut comme dans un rêve. On fut
photographiés dans le jardin, on se grisa de tout, on bavarda, on sourit,
on rit, on voulut briller de toutes les facettes. Quelques jours après,
Georges Menier dont la merveilleuse femme venait d’être opérée me téléphona
: « Ma femme peut recevoir depuis hier. Son regret fut si grand de ne
pas vous avoir vue l’autre jour chez les Lebel que j’ose vous demander
de lui faire une petite visite à la clinique. » En entrant dans la chambre
transformée en serre chaude et fleurie, nous aperçûmes une déesse sur
un nuage blanc, dans un bouquet, dans la neige des plus fines lingeries,
des enroulements de perles incomparables ! Un visage divin, souriant,
régulier, joli. Une enfant aimable, simple, ayant autour d’elle quatre
grands fils, son mari, son beau-père. Je lui tendis mes violettes blanches,
lui marquai mon admiration sincère et ma tendre sollicitude. Elle eut
les mots qu’il fallait. Je saluai amicalement mon vieux Gaston Menier,
sénateur, qui me rend souvent des services. J’aime cette femme, belle,
simple, cordiale, parfaite, inattaquable. Tout Paris l’admire. J’en parlai
un jour à la duchesse qui me répondit : « Oh ! On la dit si belle ! Mais
elle s’en tient à son monde ; elle n’est pas snob. C’est bien dommage
pour notre monde à nous dont elle s’écarte systématiquement. » Ceci, selon
moi, est encore à l’avantage de cette charmante femme et à ma gloire puisqu’elle
a désiré que je m’approche d’elle."
4 janvier
1933
"En
rentrant d’un déjeuner avec mon bon Lewis, j’ai lu dans mon Figaro la
mort de Georges Menier, le mari de la plus belle, de la meilleure, de
la plus charmante des femmes."
Cléo
de Mérode, fantasme de la fin du 19ème siècle mais également danseuse,
participa, notoriété oblige, à une aventure théâtrale avec la participation
musicale de Georges Menier. Le « Premier pas » fut l’occasion d’une rencontre
avec Simonne Menier qui devait marquer suffisamment notre « courtisane
» pour en coucher quelques lignes dans son livre « Le ballet de ma vie
».
"Georges Menier
était le fils du chocolatier Gaston Menier. La composition musicale, son
pêché mignon, était pour lui une distraction de grand seigneur. Mais il
ne manquait pas de talent. La musique de son "Premier Pas"avait des qualités
de verve, de fantaisie et de rythmes entraînants. Georges Menier venait
avec sa femme et leurs trois enfants aux répétitions et ils s’amusaient
de tout leur cœur. Madame Georges Menier «La belle Mme Menier» était une
blonde splendide, faite en déesse et suprêmement élégante, elle s’habillait
chez Callot. Ils habitaient un hôtel imposant dont les jardins aboutissaient
au parc Monceau et ils donnaient de grandes réceptions. J’y suis allée
bien souvent, car je restais longtemps en relation avec cet aimable couple
qui m’avait prodigué, au moment du "Premier Pas", des témoignages de sympathie
et de gratitude. En souvenir de ma création de Virginia, Georges Menier
m’offrit un bijou ravissant."
Simonne Menier, Vogue Janvier 1929
A Madame Georges Menier, A celle qui par un magnifique et quadruple exemple (ndl; Simonne est mère de 4 enfants)nous montra ce que doit être la culture de l’enfant. Cet hommage serait ridicule s’il n’était celui d’une fervente et respectueuse amitié.
Novembre 1921 (la culture de l’enfant)